Parler de « Avant » quand on est octogénaire c’est comme imaginer qu’on est en train d’ avancer sur un long fleuve tranquille.
« Avant » ? – est-ce – mon débarquement le 1er juillet 1936, en plein Front populaire ? – l’année 1941 avec la disparition de nos hommes ? – mon arrivée dans la Nièvre début 1942 ? – l’année 1945 sans argent, sans maison mais nourrie de larmes…
Pour essayer de te parler d’avant ma Sarah chérie, il faut que je reconstitue ma jeunesse solitaire, mon adolescence combative, de longs moments d’épuisement, de désarroi, d’envie de tout casser, de déprime comme on dit aujourd’hui.
C’est dans un « avant » plus souriant que va se construire ma vie professionnelle accompagnée par mon amour de l’histoire et de la philosophie, mon besoin d’enseigner, de monter au créneau, de faire du sport, de draguer. J’ai vécu et payer une partie de mes études avec la chanson et la lanterne magique…
Et me voilà aujourd’hui…une octogénaire fatiguée, parfois déçue, fragile et peu patiente, comblée par ses proches mais ivre de solitude. Souvent, quand les idées et les mots me fuient, je flâne et je parle avec mon chat. Les vitamines, les compléments alimentaires et même l’Homéopathie ont renoncé à stimuler mes petits restes d’énergie.
Quelques échanges sur Facebook ne me laissent pas indifférente et je considère que c’est bien de pouvoir vider ses tiroirs de temps en temps. Ce qui me réjouit le plus c’est de deviner le regard vigilant de ma Sarah. Car c’est elle qui va gérer cet « avant » que j’ai tellement besoin de raconter…par respect pour ma mère, pour pouvoir rester fidèle à nos convictions et à nos combats d’hier, parce que j’ai besoin de régénérer mes cellules nerveuses qui, pendant plus d’un demi-siècle – ont trop donné.
J’ai compris que je devais accepter ma vieillesse le jour où tous mes souvenirs ont commencé à bousculer le quotidien. Alors j’ai admis que j’en avais fini de danser avec les ours ou d’écrire des poèmes d’amour.
Pour tous ceux que j’aime, je demande des lendemains heureux. Je n’ai plus vraiment d’ambition…Mais je veux écrire chaque jour quelques lettres et me contenter du bonheur d’être parfois triste.
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Et pour moi Jacqueline, mes lendemains heureux sont le plaisir de lire tes quelques lettres qui me disent que tu es là bien présente dans mon cœur et dans nos échanges de passé, de présent et d’avenir.
A notre bout de route que nous parcourons ensemble.
Isa Jaeden Figaro