Micheline Deltombe nous a quittés ce lundi 19 août 2016, après de longs mois d’un silence douloureux.
Nous étions très proches et depuis bien longtemps et je lui ai consacré un chapitre de mon dernier livre » mes Rencontres avec des Homéopathes remarquables »(Editions Narayana). Oui, Micheline était une grande homéopathe et nous devons, tous, être très fiers de l’avoir connue.
Ce jeudi 17 mars 2011, Micheline Deltombe m’a accordé deux heures d’entretien,
dans son bureau professionnel, rempli de jouets et
d’ouvrages à colorier. Elle a reçu, là, des milliers d’enfants et de
parents inquiets. Francine, son accueillante et silencieuse assistante,
nous a préparé des jus de fruits et du cake.
Micheline, souriante, dynamique, pour laquelle l’homéopathie est une
sorte de puzzle qu’on retrouve chaque jour, qu’on observe mais qui
vous oblige à parfois tout remettre en question…Micheline une amie
de toujours qui sait partager les joies et les peines, les échecs et les
succès…Micheline, qui me dit aimer cette idée des « Grands
Bâtisseurs » et être touchée d’en faire partie.
Elle avait préparé quelques notes sur Léon Vannier pensant que je
travaillais uniquement sur lui.
Micheline c’est toi que je souhaite entendre.
– Je veux savoir comment tu es devenue médecin, puis pédiatre,
puis homéopathe.
– Je veux que ton parcours soit un exemple pour nos futurs
médecins.
– Je veux que tu nous aides à comprendre pourquoi nos écoles sont
vides car je crois, que pour les jeunes, il est moins difficile de se
servir d’une machine électronique que d’apprendre la Matière
Médicale.
– Je veux que tu parles de tes nombreux patients.
– Je veux que tu expliques comment depuis plus de 50 ans tu
soignes, tu enseignes, en France et un peu partout dans le
monde, comment tu participes à tous les congrès et à la vie des
sociétés savantes, comment tu trouves le temps d’écrire, de gérer
dans ton association tout ce qui intéresse la pédiatrie…
Tout ce qui vient de toi, intéresse toute l’Homéopathie.
Micheline est née en août 1927 mais elle est toujours aussi droite,
élégante, souriante, accueillante, parfois un peu bavarde, mais elle a
tant à dire…surtout quand elle insiste sur la confiance qu’elle éprouve,
depuis des d’années, pour les médicaments homéopathiques, quelle
que soit leur dilution.
« Mon père, André Kopp, était médecin à Thann, en Alsace. Dans
ma famille on compte sept générations de médecins et nous
sommes tous protestants…comme l’était ce médecin allemand dont
toute l’Alsace parle. Les femmes se débrouillent seules pour
soigner les enfants et affirment que les malades sont bien plus
importants que la maladie qui les frappe. Partout, on trouve des
tubes de granules achetés en Allemagne ou en Suisse. Ma grand-mère
savait toujours ce qui convenait et personne ne lui en voulait
pour cet exercice illégal de la médecine. J’ai sucé des granules dès
mon plus jeune âge. Comment aurai-je pu douter de leur
efficacité ? Déjà je savais que le résultat serait bon si on avait
choisi le remède en fonction des symptômes. L’homéopathie est
une médecine rigoureuse affirmait ma grand-mère.
Quand éclate la seconde guerre, le père de Micheline doit rejoindre
l’armée allemande. Le reste de la famille reste à Thann et la jeune
Micheline décide qu’elle sera médecin et pédiatre. A la fin de la
guerre son père retrouve Léon Vannier, avec qui il s’était lié d’amitié
et ensemble ils créent la « Société Homéopathique de l’Est ». C’est le
début d’une grande aventure très positive pour l’Homéopathie. Pour la
jeune étudiante Léon fait partie de la famille…l’oncle tant admiré.
Elle réussit bien ses études de médecine et obtient son doctorat en
1953. La même année elle s’engage vers des Etudes Complémentaires
de pédiatrie et de puériculture.
En 1955, elle obtient un Certificat d’Hygiène et d’Action Sanitaire et
Sociale. Léon Vannier fera d’elle l’une de nos meilleures
homéopathes et, le diplôme du CHF qu’il lui remet en 1959, lui offre
une autre façon de soigner et d’approcher les malades. Pour ne pas
perdre une once de ce qu’on lui a enseigné, elle accepte un poste en
Tunisie. Elle ne sait pas encore qu’elle va y rencontrer son mari, un
homme trop tôt disparu mais que l’on sent encore très présent dans sa
vie de femme.
En 1965, elle rentre à Paris et s’installe au 2 square Henry Patté dans
le 16ème arrondissement : « Docteur Micheline Deltombe – Pédiatre
homéopathe ». Ce 17 mars 2011, nous pensons à Léon Vannier, à
tous nos compagnons de combat et de découvertes…à tous nos
compagnons de vie.
Micheline dès son installation à Paris, parfaitement comprise par son
père resté à Thann, reprend contact avec le monde homéopathique, le
C.H.F, la Société Française d’Homéopathie, les enseignants, la presse
homéopathique. Elle accepte des consultations à l’Hôpital Saint-
Jacques et au Dispensaire Hahnemann.
En 1983, elle crée, avec Jacques Lamothe, le « Groupement des
Pédiatres d’expression française » connu dans le monde entier. Elle
assure la Présidence pendant plus de quinze ans et est encore
aujourd’hui une Présidente d’Honneur très engagée.
Micheline est partout, sur tous les fronts…aussi active auprès
d’ « Homéopathes sans Frontières » qu’à la Faculté de Médecine de
Bobigny où elle crée un diplôme universitaire des Médecines
Naturelles.
Micheline se souvient et nous retrouvons, ensemble, des moments
uniques.
Nous nous sommes rencontrées à Saint-Jacques. Léon Vannier
m’avait parlé de toi et je savais que tu travaillais à Saint-Flour. Tu
nous as montré ton coffre de voiture, rempli de tubes de
granules…Pulsatilla pour les accouchements, Hepar sulfur pour les
abcès, Gelsemium pour le trac…
Tes vaches et tes cochons ressemblent à mes petits t’ai-je dit…et notre
amitié s’est construite.
Aujourd’hui tu es là, chez moi, et tu m’apprends que tu as fait de moi un
« Grand Bâtisseur de l’Homéopathie ». J’en suis tellement fière.
Dans sa pratique quotidienne Micheline Deltombe respecte les lois
hahnemaniennes. Ses prescriptions sont toujours le résultat d’un
interrogatoire rigoureux, verbal, tactile, auditif…et d’un examen
clinique ô combien pointilleux. Elle est médecin, pédiatre et
homéopathe. Elle ne prescrit que des remèdes dont les symptômes
sont calqués sur ceux présentés par le patient.
Il faut parler avec des patients de Micheline. Certains aujourd’hui ont
des petits enfants et ceux-là approuvent que les parents choisissent
toujours cette médecine pas comme les autres. Micheline a toujours
été une pédiatre exigeante, compréhensive…et joignable à la moindre
urgence.
Micheline Deltombe a « théoriquement » cessé son activité, mais elle
reste encore bien présente…à Saint-Jacques, à Bobigny, au
Dispensaire Hahnemann, pour l’association « Homéopathes sans
Frontières », pour préparer des pédiatres et des sages-femmes, pour
former des homéopathes en Amérique du Sud, en Russie, en
Pologne…pour écrire des articles…
La vitalité de Micheline, toujours au service de l’Homéopathie !
Les ouvrages de Micheline sont indispensables, aux généralistes, aux
spécialistes, aux pharmaciens, aux vétérinaires, aux sages-femmes. Et
je connais bien des responsables de crèche qui les gardent à portée de
main.
Micheline écrit pour être comprise et pour que l’on profite de son
expérience
Pendant deux heures, nous avons passé en revue plus de 50 ans
d’Homéopathie. Micheline garde la truelle à la main. Elle se veut
active et vigilante.
Il m’aura fallu à peine deux heures pour qu’elle devienne aussi une
« Homéopathe remarquable ».
Le REGARD de Jean Rémy.
Micheline Deltombe, l’élégance de « l’Homéopathie Française »
L’héritage de Léon Vannier, qui a été un ami de sa famille et son maître, se retrouve intact dans l’action de Micheline Deltombe. Sa pratique médicale, à Paris, a contribué à mettre en valeur le potentiel et l’intérêt de l’homéopathie auprès des enfants ; et l’on sait combien le succès de l’homéopathie aujourd’hui passe par la médication familiale.
Son engagement dans les dispensaires et les centres de formation a
montré que la réalité clinique de l’homéopathie, pour stimuler de
nouvelles générations de médecins, a besoin de l’expérience partagée des leaders.
En 1983, avec les Drs Bourgarit, Laloye, Robert, Vallette et Lamothe,
Micheline Deltombe crée le « Groupement des pédiatres homéopathes d’expression française », dont elle devient la Présidente. Cette femme de dialogue est entourée de médecins qui représentent les différentes traditions homéopathiques, et comme Vannier avant elle, elle a su enrichir le Groupement de ces différences, plutôt que renforcer les clivages. Son assurance, comme son expérience, y ont compté pour beaucoup.
Dans les congrès d’homéopathie auxquels elle a toujours participé,
comme les Entretiens Homéopathique de Paris, Micheline Deltombe
prend fréquemment la parole pour compléter ou corroborer le propos
des autres intervenants, en faisant part de son expérience clinique
auprès des enfants, voire des enseignements qu’elle avait reçus de
Léon Vannier. Avec ce dernier, avec d’autres aussi comme Emile
Iliovici et Roland Zissu, elle compte parmi les praticiens et
pédagogues qui, de leur forte personnalité comme du rayonnement de
leur cabinet parisien, ont contribué à ce qu’en France, au XXIème
siècle, une personne sur deux ait recours à l’homéopathie.
Post scriptum
Dernière similitude avec Léon Vannier, Micheline Deltombe ne
découvre pas l’homéopathie au terme d’un processus de rupture avec
la médecine classique. Son père est médecin homéopathe en Alsace,
fondateur du Centre homéopathique d’Alsace et de la Société
homéopathique de l’Est, tandis que son aïeule (puisqu’alors « les
femmes se débrouillent seules pour soigner les enfants ») fait
apparemment autorité en matière de conseils en homéopathie, la
marquant au point d’orienter sa pratique vers la pédiatrie. C’est une
force que de n’avoir utilisé l’homéopathie ni par dépit, ni par défi. Sa
pratique lui est naturelle, la confiance de base était installée, nulle
revanche à prendre. De Thann à Paris XVIème, en passant par la
Tunisie et le Maroc où elle enseigna, l’itinéraire de Micheline
Deltombe témoigne d’un engagement aussi rayonnant que constant.
5 commentaires
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Bonjour, un grand merci pour cet article qui me touche particulièrement. Mme Deltombe a été la pédiatre de mes 2 filles. Grâce à elle, elles ont toutes les deux une merveilleuse santé. Elle était une femme remarquable. Paix à son âme…
Dr Deltombe, pas une semaine ne passe sans que nous évoquions son nom, ses compétences, sa grande disponibilité, et j’en passe. Une très grande Dame qui a mis l’homéopathie au service de l’enfant, pour le réconfort des parents. Nous avons eu le privilège de la côtoyer lorsqu’elle suivait nos enfants, dans les années 1980/1990. Eux-mêmes étant parents à leur tour, ses conseils sont encore là pour nous guider. Mademoiselle Francine, attentive, dévouée et compétente, est bien évidemment présente elle aussi dans nos souvenirs.
Merci pour tout, Dr Deltombe et que votre âme repose en paix !
c’était ma pédiatre (j’ai 33 ans 😉 ) je me souviens très bien du parquet qui craquait et de ses très nombreux « vous voyez »
Valentine
Que j’aime cette phrase de Madame Deltombe « . . . l’homéopathie est une sorte de puzzle qu’on retrouve chaque jour, qu’on observe mais qui vous oblige à parfois tout remettre en question » ; car combien de fois je pensais avoir mis le bon morceau à la bonne place et me suis rendue compte qu’il n’allait plus là où je l’avais mis, le lendemain.
En lisant ton texte, j’ai l’impression de te reconnaître; toi aussi, très présente, très impliquée et « d’un engagement constant »
Quel bonheur pour ma solitude d’homéopathe un peu isolée depuis que j’ai quitté l’école, de lire ton texte.
Merci Jacqueline, merci Micheline !
Merci Jacqueline pour ce très beau témoignage.
Charles Bentz