Que sont devenues ces trois petites statuettes avec lesquelles ma mère avait de longues conversations ? Nous ne sommes guère fétichistes dans la famille et elles ont dû s’égarer au cours d’un déménagement. « Mon secret du bonheur » disait ma mère et je riais car elle aimait parler de notre vie, lire tous les journaux du matin et écouter Edith Piaf. SOURD…je n’entends plus les piaillements douloureux des poules enfermées dans des cages, je n’entends plus les femmes qu’on mutile, je n’entends plus ces ventres qui crient à la faim, je n’entends plus ces prisonniers que l’on torture, je n’entends plus tous ces ouvriers chinois qui demandent quelques sous d’augmentation, je n’entends plus les chants nazis, je n’entends plus les mitrailleuses qui massacraient les juifs d’Ukraine… MUET…j’ai tellement parlé…j’ai défendu un obsédé sexuel, j’ai demandé que tous les SDF aient un toit, j’ai demandé que l’on punisse sévèrement tous ceux qui brutalisent les animaux, j’ai demandé que chacun puisse apprendre à lire et à écrire, j’ai demandé que l’on donne des cours de morale dans toutes les écoles, j’ai demandé que l’on ne confonde pas foi et religion, j’ai demandé que l’on respecte tout ce que la nature nous offre…oui j’ai beaucoup parlé, crié, hurlé…je me tais, alors que je suis poursuivie par le besoin de dire la vérité à la face du monde ! AVEUGLE …serai-je plus heureuse de ne pas voir un gamin vendant de la drogue, une femme tuée à coup de pierres car infidèle, un clochard ivre vautré sur mon trottoir, des fous avides en train de couper les nageoires d’un requin, des émissions de télé débiles mais réalisées à coup de milliers d’euros alors que des théâtres se meurent, des maisons de retraites remplies de centenaires qui ne savent même plus leur nom, des gens qui pleurent le jour de la mort de Hitler et portent des foulards à son effigie, des paquebots qui ressemblent à des villes et sur lesquels s’entassent des ouvriers à la retraite qui veulent croire que le luxe c’est tellement important, des gamins qui se prostituent…Non je ne veux plus rien voir de toute cette misère organisée. Pourtant je veux pouvoir regarder le ciel, les fleurs de mon balcon, les rides de mon amie Lucienne, les mises en scène de Nathalie, les livres de Sophie et aussi les miens et plus que tout le regard vigilant et tendre de mon Milord. Je veux écouter le grésillement des œufs dans la poêle, le 14ème quatuor de Beethoven, les fados d’Amalia, et les rires des spectateurs conquis par « Dracula mon histoire »… |
5 commentaires
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Ce que vous dites tout haut , nous le pensons bien fort tout bas . Merci de le mettre en mots , c’est très touchant
une amie de Danielle
Puisqu’il faudrait être sourd, muet et aveugle pour le connaître, le bonheur ne serait donc qu’illusion ? Sans doute pas, mais peut-être que chacun des bonheurs que nous connaissons n’est perceptible et reconnu comme tel que par l’ignorance involontaire de ce qui l’entoure?
mais ton coeur et ton âme ne sont ni sourds , muets et aveugles….
je suis toute chose enlisant tes billets.je crois que nos pensées sont les mêmes et malheureusement je garde tout dans mon coeur.suis-je ta jumelle,?je le pense.tendres bisous.
Trois petites statuettes et beaucoup de musique…
je vous embrasse