Je boucle mes souvenirs. Je suis à Berlin. Juillet 2010. Les footballeurs allemands sont en demi-finale. La ville éclate et tous ces bruits m’agressent. Je pense à l’Europe, à ma mère. J’aime ce taxi qui affiche le prix de la course en euros. Les pacifistes du monde entier ont le droit d’être heureux. Je ne sais pas me détacher de mon passé et comment me convaincre que tous ces souvenirs sont une espèce en voie de disparition ? J’invente des nuages, des étoiles, des fleuves et je ne retrouve que des barbelés et des fours. Plus de soixante ans ont passé mais je n’entends que des mots agressifs, des chants, des cris et des larmes. La ville reconstruite m’attend. Là, des tombes en granit, sans amour. Ici, une immense synagogue qui crie son mépris. Un cimetière, des arbres qui se souviennent, la tombe de Moses Mendelssohn… Le poème devient vérité et je refuse d’inventer…tout est présent…tout est écrit. Oui, ils sont là, à portée du mouvement qui bouscule mon cœur. Regarde donc mon étoile jaune. Elle est restée sur ma poitrine depuis plus de soixante ans. Je marche vers « la pièce déserte »…Der verlassene Raum…j’entends des coups sur la porte. Fuir…fuir…une chaise tombe…sur la table des livres et du thé bouillant…tout est là dans ce square abandonné mais qui en dit bien plus que des discours hypocrites. Laissons couler le temps. N’oublions jamais. Sur mes épaules je sens toujours le poids des nuits douloureuses, des nuits de fuite, des nuits de mort. Mes mains sont recouvertes de cendres. Je suis à Berlin car je dois créer des lendemains. « La pièce déserte »… C’est là mon dernier appel.
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