Le blog de Jacqueline Peker : littérature, homéopathie, animaux, musique

Du miel et des larmes…


berlin

Pour Juliet

On me dit que les abeilles, qui cherchent protection, peuvent se loger sous nos paupières. Là, elles se détendent, organisent leur vie et peuvent même procréer…c’est alors, que les larmes qui contiennent le miel deviennent sucrées et laissent de petites traces sur nos joues.

Des abeilles…y avait-il des abeilles à Auschwitz ? Ai-je entendu leur bourdonnement, l’autre matin à Berlin, quand j’ai découvert ce cimetière de béton qu’on appelle le Mémorial de la Shoah ? Dans le camp de la mort les abeilles ont fui l’odeur de la chair brûlée. Aujourd’hui, à Berlin, elles ont fui l’ignominie…Du béton, rien que du béton transformé en blocs polis qui pourraient être des tombes. Il n’y a en a guère qu’une centaine…ce qui veut dire que, déjà, on évite de compter en millions. Les odeurs d’essence font oublier celles des crématoires. On ne peut en vouloir aux touristes et aux enfants qui marchent sur ces cubes inanimés. On ne peut en vouloir aux chiens berlinois qui ont appris à se soulager entre les allées mal entretenues…Je crois bien que j’en veux à tout le monde d’avoir oublié l’odeur des gaz, les cris de tous les miens tordus par la douleur et le désespoir…Méritaient-ils ces blocs de béton serrés les uns contre les autres, refusant l’ombre et la lumière mais aussi la prière ?

J’ai essayé de parler avec les miens, de m’approcher de leurs cœurs mais cette construction méprisante m’a même empêchée de pleurer. Le Mémorial de la Shoah ? Un Mémorial sans âme et qui semble vouloir ignorer son devoir de mémoire. Je ne voudrais pas raviver ma colère. Je suis allée à Berlin pour retrouver les traces de ces milliers de Juifs, plus allemands que tous leurs amis allemands, mais fêtant Chabbat, Pessah, jeunant et priant pour Kippour…des Juifs fiers de « leur pays » de culture et de tolérance, comme l’était mon père, cet apatride tellement français.

Ces Juifs-là, on les a broyés, affamés, assassinés…et on ose leur offrir ces quelques blocs de béton, sombres et silencieux, que fuient les fleurs et les abeilles.

Pourtant, là, sur place, j’ai entendu les plaintes de tous les miens, j’ai parlé avec ma mère et enfin j’ai récité le Kaddish.

De retour à Paris, malgré l’heure tardive, j’ai allumé une bougie et j’ai retrouvé ton abeille, ma Juliet, celle qui s’est réfugiée sous ta paupière et t’offre son miel.

Oui, tes larmes sont sucrées car elles portent notre vrai refus d’oublier.

1 commentaire

    • sojavernon sur 14 juillet 2010 à 22:22

    Merci à vous chère Jacqueline

    vous avez le prénom de ma soeur
    merci de vous émerveiller ou de vous énerver, de vous insurger et de nous faire partager tous ces sentiments ainsi ils ravivent nos consciences endormies par un quotidien dont ne veut trop tout nous communiquer l’essentiel, le vrai

    les déboirs des fouteux, des politiques, des surencrichis ça oui on nous le communique pour nous endormir nous « faire réagir sur ce qui n’a pas lieu d’exister » mais le reste, la vie, non

    alors merci pour vous coup de coeur ou de gueule

    cordialement

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