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Personnellement, je reste très attentive, car avant de partir, ma mère m’a demandé d’être vigilante et d’essayer de transmettre ce qui s’est passé. Elle redoutait que le monde oublie. Elle n’admettait pas, elle qui se disait athée, que l’on puisse fuir sa judaïté. Elle refusait d’accepter que la terre d’Israël soit seule assimilée au judaïsme qu’on avait essayé de détruire dans les camps de la mort. Mais cela, c’est une autre histoire que j’ai bien l’intention d’écrire avant de partir.J’ai découvert une musique qui dit tout, que j’ai écouté pendant des heures et qui restera gravée dans les cellules de ma mémoire. Gideon Klein (1919-1945), est un compositeur tchèque déporté au camp de Terezin dès 1941. Il sera assassiné à Auschwitz en 1945…alors qu’ici nous fêtions la victoire. Pendant toutes ces années, il a composé et caché ses écrits, un peu partout dans le camp. La musique de Gideon Klein m’a bouleversée. Chaque note, chaque mouvement, chaque morceau…ont fait éclater mes souvenirs. Je sais bien que pour tout ce qui touche cette période je reste une écorchée vive…mais là, en écoutant au calme, chez vous, vous comprendrez mieux. Cette musique sent les larmes, le sang, le feu…Il faut que vous l’écoutiez. Mon ami Vincent, qui gère la boutique Harmonia Mundi – 15 av. de l’Opéra – vous attend. Gideon Klein a composé en cachette et il a terminé son « Trio à cordes » quelques jours avant son transfert à Auschwitz…quelques jours avant d’être jeté dans un four. Pourtant sa musique n’est pas triste. Elle est comme un hymne à la vie. Il y a quelques années j’avais lu « le Requiem de Terezin », un court récit mais un très grand livre. L’auteur, Josef Bor, lance lui aussi un défi à tous ceux qui voudraient oublier. |
2 commentaires
La musique de Klein est bouleversante. Connaissez-vous Viktor Ullmann? Lui aussi fut interné à Terezin à la même époque et assassiné à Auschwitz, probablement dans le même convoi que Gideon Klein. Il a composé de la musique pour piano (6 ou 7 sonates), de nombreux lieder, et deux opéras: « der Sturz des Antichrist »(la chute de l’Antéchrist, je pense), et l’Empereur d’Atlantis. Il y a des CD, et même un DVD : « Passagers étrangers, sur les traces de Viktor Ullmann » chez capriccio, avec sa deuxième symphonie magnifiquement comprise et interprétée par James Conlon.
Quand j’ai entendu cette musique pour la première fois, je me suis dit que c’était la plus belle musique du monde. Elle me touche tellement que je l’écoute peu: elle me fragilise, en ouvrant des portes qu’aucun autre compositeur n’ouvre dans mon coeur. Pourtant elle n’est pas non plus désespérée, au contraire: Ullmann était très mystique, il pratiquait la théosophie. Il avait même tenu une librairie théosophique en Suisse, avant la guerre – mais quand il s’est agi de l’aider à quitter l’Allemagne où il était retourné, personne n’a voulu l’aider…
Il y a aussi, dans un genre très différent, un peu plus « cabaret », mais très beau, le Brundibar écrit par Hans Krasa, juste avant son internement à… Terezin. Brundibar qui était répété, et joué, par les enfants de Terezin.
Quand on pense qu’il n’y a pas si longtemps (10-15 ans maximum), tous ces compositeurs étaient tout simplement « oubliés » dans les dictionnaires de musique et autres répertoires consacrés à l’opéra…
Il est grand temps qu’ils soient reconnus comme les très grands compositeurs qu’ils étaient, et qu’ils continuent d’être, malgré la barbarie.
Cordialement,
Françoise
Après avoir découvert Ytzhak Perlman je suis sûre que je vais adorer Gideon Klein!
Merci de partager ces merveilles avec nous.
Bisous.
Ethan et Béatrice.